Tentacules quantiques

Redouane Amrar Université de Sherbrooke

L’ordinateur quantique offrira une puissance de calcul phénoménale comparativement à celle d’un ordinateur classique. Il effectuera ses calculs à l'échelle atomique, et pour cela, ses composantes micro-électroniques, tels les mémoires et les transistors à atome unique, devront être miniatures. Afin d’assurer l'interconnexion entre ces composantes, on utilise un procédé d'évaporation de métal noble, par exemple l'or (Au). Encore que cette technique soit bien maîtrisée, il arrive que certaines surfaces ne tolèrent pas le dépôt du métal : en témoignent ces structures nanométriques d’or ayant bourgeonné sur une puce de silicium et qui évoquent les tentacules d’une anémone de mer. Grossissement: 30 000x | Colorisation | Microscopie électronique à balayage | Image colorisée, issue du concours 2023 La preuve par l'image de l'Acfas.

Comment leur faire aimer ça!

Adolescente, les sciences ça ne m’attirait pas vraiment. Pourtant, depuis presque dix ans, je raconte les sciences à travers ma compagnie de création, le Théâtre du Renard.

Aujourd’hui, je n’ai toujours pas de recette idéale, mais j’ai quelques trucs qui m’aident à atteindre mon objectif : parler de sciences à tout le monde et (idéalement) leur faire aimer ça!

Partir de la base… mais pas n’importe laquelle!

En communication scientifique, on ne peut pas tout dire.

Pour créer La rébellion du minuscule, j’ai fait six ans de recherche sur la physique quantique. À un certain point, j’avais développé une aisance avec les concepts de base, et je me suis mise à m’intéresser à la structure de l’atome. J’ai découvert que les électrons qui changent d’orbite relâchent un photon, et que c’est ça qui fait que les lumières au néon font de la lumière! Mais je me suis rendue compte que « le fonctionnement des lumières du plafond du gymnase » n’était pas forcément la chose la plus emballante pour intéresser des gens au monde quantique.

En fait, ce n’était pas non plus ça qui m’avait allumée, moi, quand j’ai commencé à me passionner pour le sujet. Ce qui m’avait accrochée, c’était les grandes questions sur la nature du monde : les idées d’incertitude, le hasard absolu et le mystère qui existe au cœur même de nos atomes. Il y a des idées qu’on trouve fascinantes quand on a une maîtrise de notre sujet, mais qui ne sont pas la meilleure porte d’entrée pour piquer la curiosité d’un non expert.

Mon truc pour choisir quelles idées aborder : j’en parle avec un-e ami-e! Mais surtout, j’observe. À quel moment l’autre est emballé, veut en savoir plus, ou se désintéresse. Et regarde subtilement son téléphone pendant que je déblatère sur les orbites atomiques quantifiées!

Faire image?

Dans mes spectacles, l’image scénique est en dialogue avec le contenu scientifique : elle aide à mieux le comprendre, elle lui donne une dimension poétique ou humoristique et elle permet de mieux retenir l’idée en se souvenant du visuel qui l’accompagne. Quand j’ai créé mon premier balado, j’ai compris que même dans un récit sonore, ça prendrait des images. Et cette fois, je devrais les construire avec des mots. [contenu RaccourSci en lien avec ce sujet : lire ici]

Parmi les images qu’on peut intégrer dans nos textes, il y a bien sûr les métaphores et analogies qui aident à mieux comprendre les idées. Mais au-delà des passages explicatifs, je vous encourage à tenter de rendre tout votre contenu plus imagé.  Remarquez combien de balados d’enquête prennent le temps de décrire brièvement les personnages de leur récit et les lieux où ils les rencontrent, pour qu’ils deviennent plus « vrais » à nos oreilles. Ça fait une énorme différence sur notre immersion dans le contenu.

Enfin, une image n’est pas toujours visuelle. Une odeur, un goût, une texture peuvent aussi nous plonger d’un coup dans un univers. La science est faite par des personnes fascinantes dans des environnements parfois étranges, déroutants ou complètement loufoques : on veut y plonger avec vous!

L’analogie gagnante

En communication scientifique, on cherche souvent des images qui font le lien entre un concept complexe et quelque chose de connu chez notre public, pour l’aider à mieux comprendre. Mais pour les inventer, ces analogies, on fait comment? De mon côté, je commence par trouver l’action. Concrètement, je me demande : dans ce phénomène que je veux expliquer, qu’est-ce qui se passe? Je fais une liste de verbes d’action possible : quelque chose grossit ou rapetisse, change de forme ou de texture, disparaît, explose, s’éloigne, se rapproche, se divise, etc.

Ensuite, je fais une liste de moments du quotidien qui impliquent la même action. Qu’est-ce qui (chez moi, au travail, dans ma ville) grossit parfois trop rapidement, est instable et peut exploser soudainement?

Cette analogie peut même être le point de départ d’une vulgarisation. Plutôt que de commencer un texte par une liste de définitions, un contexte historique ou une idée théorique abstraite, on se lance dans l’action et on laisse le public se poser les questions auxquelles notre récit va répondre. C’est comme un film qui débute par une poursuite épique en voiture : ça nous met tout de suite sur le bout de notre siège et on a envie de connaître la suite!

Vive les étranges…

 

Plus vos analogies sont absurdes – tout en étant une bonne représentation du sujet, bien sûr – plus elles seront inoubliables! C’est comme dire aux gens de ne SURTOUT PAS s’imaginer une girafe qui fait du monocycle sur l’autoroute… Dès qu’on le dit c’est tellement bizarre qu’on ne peut plus se l’enlever de la tête! (désolée)

Laisser transparaître votre voix et votre sensibilité particulière dans des contenus de vulgarisation, ça crée un lien vraiment plus fort avec le public.

Une fois qu’on s’est attaché à vous, vous pourrez parler de presque tout et on vous suivra jusqu’au bout du monde!