Code-barres extraterrestre

Étienne Artigau Université de Montréal

Il y a plus de 25 ans, les astronomes découvraient la première planète tournant autour d’une étoile autre que le Soleil. Aujourd’hui, plus de 4000 exoplanètes ont été répertoriées, dont plusieurs pourraient être « habitables ». Une manière de les détecter consiste à mesurer leur minuscule effet sur le spectre lumineux de leur étoile. Cet effet est causé par la gravité de l'exoplanète, qui imprime un léger mouvement de va-et-vient à son étoile. Sur ce code-barres, l’empreinte n’est que d’un millième de pixel! Une image comme celle-ci est le point de départ d'un long processus visant à déceler et à caractériser une exoplanète. (Image infrarouge monochrome obtenue par le spectrographe SPIRou grâce au travail de l’équipe SPIRou. Colorisation du bleu au rouge selon les différentes longueurs d’onde, allant de 1 à 2,5 µm) - Photo issue du concours La preuve par l'image 2020.

Changer de médium?

L’avantage avec la vulgarisation, c’est qu’elle peut se pratiquer sur des supports ou via des formats qui n’ont que notre imagination pour limite. La forme la plus classique est évidemment le livre, mais elle peut se décliner sous forme d’œuvre d’art, s’imprimer sur des vêtements, être un gif animé ou encore s’épanouir dans la reprise parodique d’une chanson!

En ce qui me concerne, j’ai pratiqué les formats suivants : le livre, la chronique radio de 2 minutes 45, le documentaire, la conférence, la vidéo Youtube, l’animation d’émissions thématiques, le tweet (gazouillis), la bande dessinée, le balado ou podcast, la chanson, l’intervention sur un plateau télé, la série, le billet de blog, ou encore le sketch.

Je les aime toutes parce que j’aime écrire et qu’elles ont justement l’écriture en commun.

Comme je m’adresse à un public non-spécialiste, je fais toujours en sorte, quelque soit le format, que ce soit ludique. J’y intègre des notes d’humour et des références à la pop culture et à la culture geek – tout en étant attentive à ce que ces références restent partagées par le plus grand nombre.

J’ai cette démarche de légèreté parce qu’en France, les personnes sans formation scientifique sont en grande majorité effrayées par les sciences, peut-être à cause d’un enseignement trop souvent austère qui laisserait des marques. Mon pari, c’est de leur prouver que non seulement les sciences ne sont pas pénibles, ennuyeuses et incompréhensibles, mais qu’en plus on peut s’amuser et se divertir en apprenant des choses parfois complexes. Quand j’intègre l’humour ou des références qui font partie du quotidien, des thématiques perçues comme inaccessibles et malveillantes sont soudain perçues sous un autre jour.

Quelque soit le support, il y a à mon sens trois gros écueils à éviter absolument.

  • Le premier, c’est se tromper de cible. On ne s’adresse pas de la même manière à des enfants passionnés par le sujet vulgarisé qu’au public très large d’une chaîne d’info en continu, par exemple. Avant d’agir, il faut donc systématiquement se poser la question des personnes auxquelles on s’adresse : qui elles sont, quel bagage elles ont, quels besoins et quelles envies elles ont.

 

  • Le deuxième écueil, c’est l’utilisation du jargon. Je peux perdre l’attention durement gagnée du public auquel je m’adresse au premier mot de vocabulaire un peu technique. Avec l’expérience, j’ai moi-même enrichi mon vocabulaire, et des mots qui me sont désormais familiers ne le sont pas forcément pour mes interlocuteur-trice-s; j’ai par exemple eu le cas avec « algorithme » ou « lanceur ». Dès qu’un mot sort du quotidien, il faut l’expliciter, et rester vigilant sur ce qui nous paraît acquis. Ce qui nous paraît évident ne l’est pas forcément! [en complément : Fichu jargon?]

 

  • Le troisième écueil, c’est de vouloir être exhaustif – c’est souvent un biais des scientifiques. Vulgariser, c’est faire le deuil d’un certain seuil d’informations : rester strictement rigoureux et exhaustif, ça s’appelle faire de la recherche. En plus, ce seuil est variable en fonction du public auquel on s’adresse : une approximation peut-être choisie pour des enfants, mais elle serait malvenue dans un texte écrit aux Presses Universitaires de France, par exemple. Tout est question de contexte, de dosage, d’équilibre, et de compromis.

Ces trois préconisations s’appliquent à tous les formats, à tous les supports.

La vulgarisation est une technique, c’est elle qui se met au service de la forme, et non l’inverse.

Si vous maîtrisez cette technique, vous saurez l’appliquer dans des cas de figure très différents.

Bien entendu, nous ne sommes pas tous égaux devant les formats et nous avons des affinités avec certains mais pas avec d’autres. Je pense qu’il ne faut pas se forcer : non seulement personne n’a envie de souffrir, mais en plus ça peut être contreproductif. Donc si un format ne vous plaît pas, ou ne vous plaît plus, soyez à l’aise, changez de médium!

Certains formats sont plus facilement accessibles que d’autres : ouvrir un compte Twitter ne coûte rien et demande juste un peu de temps. Ouvrir une chaîne Youtube peut demander un investissement en matériel, des compétences techniques dans de nombreux domaines (réalisation, montage, lumière, son, etc.) et beaucoup, beaucoup de temps. Publier un livre dépend du bon vouloir d’un éditeur, réaliser un documentaire du bon vouloir d’un producteur etc.

La vulgarisation multi-support demande une grande capacité d’adaptation et un large éventail de compétences, ce qui pourrait impliquer de renoncer à une spécialisation. En ce qui me concerne, je peux m’épanouir dans plusieurs types de formats, mais l’écriture est la forme d’expression que je préfère et que je maîtrise le mieux. Le choix d’un médium pour vulgariser dépend donc de vos envies, de vos compétences, et des opportunités qui s’offrent à vous!