Rédaction : la base pour se lancer (sans se faire trop mal)
Au dire des étudiants et étudiantes des cycles supérieurs, plusieurs barrières expliquent une relation tortueuse avec la rédaction de leur mémoire ou de leur thèse. Vous vous y retrouverez peut-être : manque cruel de temps et sentiment d’éparpillement ; diminution de la confiance en ses capacités de rédaction ; constat d’avoir eu peu, voire pas, de formation pour tout ce qui concerne le « savoir-écrire », y compris les stratégies pour intégrer les nouvelles connaissances recensées ou pour s’approprier un nouveau jargon disciplinaire.
Après un parcours pavé de réussites, se lancer dans la rédaction est une étape qui peut déstabiliser, compte tenu de la lourdeur et de la complexité de la tâche. La rédaction d’un mémoire, d’une thèse et même d’un article ne ressemble pas à un examen de premier cycle. Il faut également rappeler que la rédaction représente une part non négligeable du travail de recherche, alors que l’écriture ne siège pas nécessairement au premier rang des intérêts pour une majorité d’étudiants des cycles supérieurs. Dans la grande majorité des disciplines universitaires, l’écriture n’est pas une fin, mais plutôt un moyen de communiquer sa démarche, ses résultats et sa passion pour la recherche. Il n’est donc pas question de se transformer en écrivain ou en écrivaine, mais de se relever les manches et d’apprivoiser la rédaction pour qu’elle ne devienne pas un frein à l’avancement de votre parcours, à l’accès à un diplôme, voire à la diffusion et à l’application de nouvelles connaissances qui méritent d’être partagées avec la communauté scientifique.
Plusieurs auteurs ont posé la question : qu’est-ce qui distingue les chercheurs et chercheuses qui ont de la facilité à rédiger ? Globalement, les plus prolifiques sont celles et ceux qui réussissent à s’engager vis-à-vis de leur rédaction. Cet engagement s’exprime sous différentes facettes, en ce qui a trait à leur rapport à la rédaction, ainsi que dans leur façon d’aménager leur environnement physique et social. Fait intéressant : ces personnes se distinguent également dans leur capacité à se désengager de responsabilités et d’environnements qui nuisent à leur rédaction dans des moments stratégiques.
En début de parcours, il peut s’avérer très utile de s’inspirer de ces recommandations. Cependant, il ne faut pas les prendre pour une formule clés en main. Récemment, l’enquête menée par Sword (2017) auprès de plus de 1 000 étudiants et chercheurs dans 15 pays différents a mis en lumière qu’il n’existe malheureusement pas de formule unique (encore moins magique !) qui convienne à chacun et chacune. Au contraire, défendre une seule façon de faire entraîne surtout de la culpabilité chez les gens pour qui cette stratégie n’est ni efficace ni réaliste dans leur contexte.
Pour maintenir son engagement envers la rédaction, il est important de ressentir le « besoin de rédiger ». Ce besoin peut être stimulé par l’établissement de micro-objectifs temporellement définis pour découper la rédaction d’un gros document en plusieurs étapes. « Rédiger sa thèse » est non seulement un objectif trop large et ambitieux, mais il ne suscite pas la pression de se mettre à la tâche. Ces objectifs gagnent aussi à être réalistes et révisés afin de maintenir le sentiment qu’on peut les atteindre. Il faut également concevoir la rédaction comme essentielle et prioritaire. Concrètement, cela implique de refuser d’autres tâches connexes et d’être apte à laisser en suspens des dossiers incomplets. Enfin, il faut avoir le sentiment de comprendre ce que l’on attend de soi, ce qui exige de clarifier à plusieurs reprises les attentes et les critères d’évaluation avec la direction de recherche.
S’engager implique aussi d’agir sur son contexte de rédaction. Pas question de se lancer dans de grandes rénovations, mais plutôt dresser la liste des caractéristiques qui aident à maintenir sa concentration et les réviser tout au long du processus. Trop souvent, les périodes de rédaction ne sont pas bien planifiées et sont vécues dans des contextes défavorables à la concentration. Beaucoup de personnes tentent de rédiger après une journée de travail chargée, dans des endroits sans lumière naturelle ou propices aux sollicitations externes. Sans surprise, un espace de rédaction devrait être exempt de sources de distractions et de possibilités d’interruption, y compris les courriels et les réseaux sociaux.
Pour plusieurs, l’une des meilleures façons de s’engager dans la rédaction est de la voir comme une tâche sociale et partagée. Plutôt que de rédiger en solitaire, pourquoi ne pas participer à des séances de rédaction communes ou à des retraites structurées ! Qu’il soit question de rédaction journalière ou de séances ponctuelles, le fait de se sentir redevable à d’autres étudiants s’avère hautement favorable à la persévérance et au maintien d’une certaine discipline. En s’engageant ainsi envers d’autres, il sera plus aisé de privilégier la rédaction au détriment d’autres dossiers.
Enfin, il reste toujours possible de s’inscrire à des ateliers et de lire une diversité de guides et de billets de blogue sur la question pour développer ses habiletés de rédaction. Néanmoins, rien ne peut remplacer le fait de prendre rendez-vous avec son mémoire ou sa thèse, de s’y tenir et de ne pas laisser filer trop de temps d’un rendez-vous à un autre. Et ne vous privez pas de la source de motivation et d’empathie que peuvent représenter vos pairs : planifier dès maintenant une prochaine séance avec quelques collègues est une excellente façon de se lancer !