86ème congrès de l'Acfas

Merryl B. Lavoie

activité Science-moi!

Les 5 RaccourSci d’idées reçues sur le public

Pour faire de la médiation scientifique nous devons nous intéresser à des thématiques scientifiques, mais également à notre public. D’ailleurs, pour faciliter nos interactions, ne parlons pas DU public comme d’un ensemble homogène, mais DES publics avec des pratiques et attentes variées.

Voici un tour d’horizon de citations entendues, des questions qu’elles engendrent et une piste d’action à mener.

  1. « Les publics viennent pour apprendre »

    Nous imaginons souvent que les publics viennent pour acquérir de nouvelles connaissances ou pour « passer un bon moment ». D’autres motivations existent cependant et peuvent, pour certains publics, être prioritaires. Plusieurs études sur les publics de musées montrent que les visites se font rarement seul-e. La recherche d’échange et de lien social est une motivation fréquente et importante. D’autres besoins existent :  se détendre, exprimer son opinion, partager son expérience, participer à une prise de décision, se sentir valorisé-e. Et si nous en tenions compte?

    Exercice pratique : lors de votre prochaine action, posez une question qui invitera chaque participant-e à échanger avec ses voisin-es afin de répondre à un besoin de partage.

  2. « Ils ne font pas d’effort pour comprendre »

    Comme évoqué ci-dessus, nous ne devrions pas réduire les publics à un rôle de récepteur d’un message. Ils pourraient également avoir quelque chose à apporter. À nous apporter.

    N’oublions pas que nous sommes responsables du cadre choisi. Le contenu sélectionné est-il adapté aux contraintes et aux publics? Le format choisi (conférence, atelier, débat etc.) est-il le plus pertinent au regard des publics et des objectifs?

    Exercice pratique : avant votre action, rédigez en une phrase ce que vous pensez être le plus important à partager (un résultat, une question, un savoir-faire technique, etc).  À l’issue de votre action, demandez à des participant-e-s de définir le message clé selon eux. Et comparez !

  3. « Ils auront moins peur si on leur explique comment cela fonctionne »

    Il y a deux présupposés dans cette phrase. Le premier est qu’ « une controverse sociotechnique peut être réduite à sa composante scientifique ». Or le propre de ces controverses est de mêler des enjeux sociaux, juridiques, économiques, éthiques. Ne pas en tenir compte c’est risquer de rompre l’échange voire d’être instrumentalisé-e.

    Le deuxième présupposé est que « l’explication entraîne l’acceptabilité sociale », postulat du « deficit model » largement remis en question. Ne sous-estimons pas la complexité de ces questions!

    Exercice d’application :  pour une thématique en lien avec une controverse, identifiez en amont celles et ceux qui parlent de cette question, leurs arguments et les enjeux associés.

  4. « Ça s’est bien passé : ils ont applaudi »

    Aussi valorisant soient-ils, les applaudissements nous renseignent peu. On peut applaudir pour signifier que l’on a apprécié l’enthousiasme d’un-e intervenant-e, parce que l’on pense que c’est ce qui attendu de nous ou parce que les autres le font.

    Pour évaluer la qualité de notre action, nous pouvons plutôt choisir –en amont- des critères en lien avec nos objectifs. Par exemple, la prise de parole des participant-es peut renseigner sur la participation; la reformulation par les participant-es sur leur compréhension.

    Exercice pratique : en amont de votre prochaine action, fixez un indicateur qui est, selon vous, révélateur du succès de votre action et qui est suffisamment précis et observable pour que quelqu’un d’autre que vous puisse le mesurer.

  5. « Au pire ils s’ennuient »

    En imaginant une médiation scientifique « ratée », nous projetons ce que nous ressentirions dans pareille situation. Mais, plus grave que l’ennui, certaines actions de culture scientifique peuvent générer un sentiment de honte et renforcer la sensation de ne pas maitriser les codes de l’institution.

    Les publics n’ont pas nécessairement les mêmes prérequis scientifiques, culturels ou économiques que nous. Quels rapports entretiennent-ils aux formats proposés (par exemple le jeu ou le numérique), aux thématiques traitées (par exemple la santé), aux postures attendues (par exemple débattre)? Analysons les contenus de nos actions et leurs usages pour éviter de renforcer un phénomène d’exclusion.

    Exercice pratique : lors d’un échange avec vos publics faites leur décrire leur médiation idéale ainsi que leur scénario catastrophe. Ainsi, vous identifierez des facteurs qui pourraient faciliter ou inhiber leur participation.

Auteur-e-s

  • Photo de Catherine Oualian

    Catherine Oualian

    Chargée de formation à l’Ecole de la médiation

    Après un doctorat en neurosciences et une formation en gestion de projet de culture scientifique et technique, Catherine Oualian a exercé en tant que médiatrice scientifique puis en tant que directrice d’une association de médiation scientifique axée sur l’inclusion sociale et la participation des publics. Catherine Oualian a ensuite intégré l’Ecole de la médiation en France comme formatrice certifiée où elle organise et anime des formations et rencontres à destination des professionnel-le-s de la médiation culturelle et scientifique.