Lumière sur le relief terrestre

Lumière sur le relief terrestre

Guillaume Légaré-Couture Institut national de la recherche scientifique – Centre Eau Terre et Environnement

La technologie LiDAR est une méthode de télédétection consistant à mesurer des distances de manière ultraprécise en illuminant une cible à l’aide d’un faisceau laser et en captant sa réflexion. Montée à bord d’un aéronef, cette technologie permet de reconstruire numériquement le relief terrestre et de découvrir ainsi les éléments dissimulés sous la canopée. Les applications vont de la cartographie des zones inondables à la détection de vestiges archéologiques. L’image présentée ici dévoile les méandres de la rivière Ouelle, près de Saint-Pacôme, ainsi que divers éléments géomorphologiques tels des affleurements rocheux (masses foncées) et des plages sableuses formées par d’anciennes mers. (Colorisation d’un modèle de relief ombré à illuminations multiples dérivé d’un levé LiDAR (Light Detection and Ranging) aéroporté) - Photo issue du concours La preuve par l'image 2021.

Petit tour hors-piste pour la culture scientifique

Un des grands défis en culture scientifique, c’est de rejoindre des publics qui ne sont pas déjà sensibilisés aux sciences. Et pour cela, il faut sortir des lieux consacrés à la vulgarisation scientifique, comme les musées de science, les magazines scientifiques qui s’adressent par le fait même à des publics qui ont déjà un intérêt de base pour les contenus scientifiques. On dit souvent que la science fait partie intégrante de notre culture, alors devrait-on la retrouver davantage, un peu partout dans nos produits culturels? On amalgame souvent culture scientifique et vulgarisation scientifique. On peut parler de science, sans avoir pour objectif premier d’expliquer quelque chose à quelqu’un qui ne sait pas, dans une relation d’enseignant/apprenant. C’est d’ailleurs une posture qui donne de bons résultats pour exposer à la science des personnes qui ont eu des expériences malheureuses dans le passé (par exemple : des cours de mathématiques un peu trop théoriques, un reportage un peu trop compliqué sur la physique quantique).

Lorsque je suis entrée dans le milieu du slam de poésie au Québec, j’avais avant tout envie d’écrire de la poésie, de raconter des histoires et de partager des émotions. Mais… comme la science est profondément ancrée dans ma culture, elle a transparu naturellement dans ma poésie. J’ai exposé des personnes aux sciences, dans un lieu où les gens viennent pour entendre de la poésie, et je ne me suis même pas fait lancer de tomates. Voici trois conseils pour créer des produits culturels qui vont exposer les publics non sensibilisés aux sciences.

 

  • On respecte le produit culturel

Si vous écrivez un numéro d’humour, votre premier objectif est de faire rire les gens. Si vous écrivez une poésie, votre premier objectif est de communiquer des sensations ou des émotions. Si votre objectif premier est de faire de la vulgarisation scientifique, vous devriez vous diriger vers des supports consacrés à ça : des blogues de vulgarisation, une chaîne vidéo scientifique, etc.  Si vous ne respectez pas le produit culturel et ce pour quoi il est fait, vous allez décevoir les personnes qui sont venues dans l’objectif de se faire raconter une histoire, ou de rire un bon coup. Il ne faut pas instrumentaliser ou dénaturer le produit culturel au profit du message scientifique qu’on voudrait passer. A ce titre, le travail de Boucar Diouf sur son spectacle Pour une raison X ou Y est bien balancé : on rigole avant tout, puis on y comprend des choses par la bande.

 

  • On ne vulgarise que ce qui est nécessaire

Si c’est vraiment important que le public comprenne un élément scientifique pour saisir l’histoire que vous racontez, ou la blague que vous préparez, alors oui, on le vulgarise. Sinon, on s’abstient. Parfois, il m’arrive d’utiliser des mots scientifiques dans des poésies pour leur sens et leur beauté, mais je sais que si les gens ne comprennent pas tout le sens de ce mot, ça ne les empêchera pas de saisir l’émotion ou la sensation que je décris. Après tout, dans les arts de la scène, les auteurs et autrices peuvent faire allusion à des références littéraires qu’on ne connait pas tous, et on passe par-dessus!

 

  • On prend soin du « complexe de l’ignorant »

Vous devez accompagner le public pour qu’il apprivoise son “complexe de l’ignorant”. Et il nous habite tous et toutes : quand on est face à un concept qu’on ne comprend pas, une petite voix nous dit qu’on n’est pas assez bons pour le comprendre, et comme on déteste être pris en défaut, on prend la fuite. Il faut tenir compte de cela, et dans ce sens il y a deux voies à considérer : d’abord expliquer avec des analogies et des mots familiers, propres à ce public (dans les limites de ce qui est dit au point 2 plus haut), et ensuite proposer une trame narrative/émotionnelle qui est si forte que le public va avoir envie de poursuivre l’aventure avec vous, au-delà de ce qu’il ne comprend pas. C’est ce qui peut arriver quand on va voir des films de science-fiction : certains concepts scientifiques nous ont échappés, mais l’histoire était tellement bonne qu’on est resté jusqu’au bout et finalement on a aimé.

Parler de science sans avoir pour objectif d’apprendre quelque chose au public est une démarche qui peut être contre-intuitive, mais essentielle. Elle positionne la science comme autre chose qu’une source de production de connaissances et ouvre au dialogue : qui sont les personnes derrière la science? Avec quelles valeurs et principes vient-elle en opposition? Quelle est la place des émotions et du rationnel dans nos comportements? Des questions qui sont aussi importantes à amener pour les scientifiques que pour les publics.

Alors, en piste maintenant!